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Comment le paysage de l’ultradroite française se recompose

Certaines situations sont plus difficiles qu’il n’y paraît. Comme lorsque l’on s’est engagé dans un militantisme radical et que le principal parti de son camp politique se rapproche, élection après élection, du pouvoir. Que faire ? Monter dans le train de la dédiabolisation, abandonner la violence et troquer le blouson Harrington (habit prisé par l’extrême droite dure) pour le complet veston ? Camper dans son isolement et son purisme idéologique, ou alors servir d’aiguillon, essayer d’influencer la ligne depuis l’extérieur ?
Ces questions agitent le petit milieu de l’extrême droite française, dont la scène militante pullule de divers groupes radicaux évoluant en dehors du Rassemblement national (RN). Ce dernier a progressé lors des deux derniers scrutins : les européennes du 9 juin, où la liste emmenée par le président du parti, Jordan Bardella, est arrivée largement en tête ; mais aussi les législatives anticipées, un mois plus tard, où, malgré une troisième position, le parti a fait entrer 126 députés sous ses seules couleurs, 142 si l’on compte ses ralliés du parti Les Républicains venus avec Eric Ciotti. De quoi attirer les ambitieux et susciter la jalousie.
La galaxie radicale de l’extrême droite souffre d’une difficulté majeure : elle est morcelée géographiquement et divisée idéologiquement, même si les frontières se brouillent de plus en plus. Le tournant a eu lieu il y a une dizaine d’années, au moment de la mort de Clément Méric, militant antifasciste tué lors d’une rixe avec des skinheads d’extrême droite.
Plusieurs organisations qui structuraient ce milieu ont alors été dissoutes, comme L’Œuvre française, vieux parti nationaliste et activiste, et les skinheads d’extrême droite de Serge Ayoub, les Jeunesses nationalistes révolutionnaires. En 2019, ce fut au tour du Bastion social, mouvement nationaliste révolutionnaire. En 2021, une salve touche un groupe important, Génération identitaire, et d’autres moins connus mais très actifs : L’Alvarium, à Angers, et les Zouaves Paris. Cette année, ce sont Les Remparts, à Lyon, et le Groupe Union Défense (GUD), à Paris, qui ont été dissous.
Ces dissolutions (dont la liste n’est pas exhaustive) n’ont pas empêché plusieurs des petits groupes restants – on parle, à chaque fois, de quelques dizaines de personnes – de commettre des agressions racistes ou homophobes, de s’affronter violemment avec des militants de gauche et d’extrême gauche. Tout cela est très souvent filmé et arrive quasi en temps réel sur des boucles de la messagerie cryptée Telegram, suivie par des centaines de personnes.
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